La longue bataille de A2N pour la cohésion sociale commence à porter fruits
La vision de A2N est de construire avec les populations locales un présent et un avenir meilleurs fondés sur la résilience, la sécurité, la paix et la cohésion sociale. C’est une bataille de longue haleine pour laquelle nous ne ménageons aucun effort. Aujourd’hui, grâce aux efforts conjugués de tous, nous avons su inculquer un principe systématique de concertation entre acteurs locaux autour de la gestion des ressources naturelles. Ce dispositif avait permis de réduire considérablement les conflits locaux liés à l’accès aux ressources naturelles dans région du Sahel et renforcer la cohésion sociale. Notre Directeur Exécutif, Oumarou Cissé, est revenu sur le parcours de cette lutte pour la cohésion sociale dans une interview que vous trouverez dans le N°415 du bimensuel L’Evénement, paru le 10 février 2020.
Bonjour Monsieur présentez-vous à nos lecteurs ?
Je m’appelle Oumarou CISSÉ, je suis le Directeur Exécutif de l’association Nodde Nooto (A2N), qui est une ONG de droit Burkinabè reconnue d’utilité publique. Et qui a son siège social à Dori dans la région du Sahel.
Quels sont les objectifs que votre ONG poursuit ?
A2N a été créé en 1996 à Dori par des acteurs locaux soucieux de l’organisation de la concertation du monde rural, notamment les éleveurs pour une gestion apaisée des ressources pastorales. Il faut souligner que A2N s’est créé dans un contexte où le Burkina Faso entrait de plein pied dans le Programme d’ajustement structurel et où l’État avait besoin d’être suppléer dans certains domaines comme l’appui au secteur rural.
Au départ, les objectifs de A2N étaient les suivants :
Le but était d’asseoir les bases d’un développement autogéré, durable, protecteur de l’environnement et en adéquation avec les politiques nationales.
A2N a pour objectif général de « Contribuer à un meilleur équilibre du patrimoine foncier et écologique par la valorisation des initiatives communautaires »
De manière spécifique, il s’agira pour A2N de :
- Appuyer les organisations locales pour une meilleure gestion des ressources de leur milieu ;
- Accompagner les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de leurs plans de développement,
- Créer les conditions d’une plus grande résilience des communautés face aux effets néfastes des changements climatiques ;
- Favoriser la prise en compte du genre dans le développement économique et social de leur milieu ;
Entre autres objectifs, vous avez évoqué la cohésion sociale. Quel est l’impact de votre ONG sur le vivre ensemble à Dori ?
L’impact de notre ONG dans la cohésion est perceptible au niveau de la région. Il faut noter que pendant deux décennies nous avons travaillé à construire le principe de concertation entre acteurs du monde rural pour une gestion apaisée des ressources naturelles. Nous avons également contribué avec les services techniques déconcentrés de l’État et d’autres associations, à mettre en place des dispositifs de prévention et de gestion pacifique de conflits locaux toute chose qui avait permis de réduire considérablement les conflits violents liés à l’accès aux ressources notamment entre pasteurs, transhumants et agro-pasteurs dans la région du Sahel.
Décrivez- nous votre méthode de travail.
Notre approche est basée sur un principe participatif et inclusif. Nous mettons les acteurs locaux au cœur de toutes nos actions. Nous jouons juste un rôle de facilitation. Nous n’identifions ni ne priorisons aucune action. Tout ce que nous faisons est une émanation des communautés. Et pour la mise en œuvre des actions nous mettons en place des collèges locaux d’appui à la mise en œuvre des activités notamment au niveau des villages.
Quelles sont donc les localités dans lesquelles vous intervenez ?
Nous intervenons dans les 26 communes de la région du Sahel et dans 7 communes de la région du Centre-Nord.
Pouvez-vous nous faire un état des lieux de la cohésion sociale avant la naissance de votre ONG ?
Comme je l’ai dit plus haut, dans les années 80 et jusqu’au milieu des années 90, la région du Sahel connaissait des conflits fréquents liés à l’accès aux ressources naturelles ( la période de la Révolution d’Août 1983 mise entre parenthèse ). Il y’avait des tensions récurrentes entre communautés pastorales et agro-pastorales. Je précise qu’il ne s’agissait pas de façon spécifique de conflits entre agriculteurs et éleveurs comme on aime l’évoquer couramment. Les conflits étaient parfois plus fréquents entre les communautés pasteurs elles-mêmes, cela s’expliquait naturellement par le fait que dans une zone à vocation d’élevage, il y’avait une compétition féroce pour l’accès aux ressources par ailleurs rares comme l’eau et le fourrage.
Avez-vous donc le sentiment que c’est grâce à vos actions qui renforcent le vivre ensemble que Dori est exempt du terrorisme ?
Je ne dirais pas cela et je précise même que nous sommes aujourd’hui confrontés à un phénomène dont la nature est fondamentalement différente de ce qui est l’objet de A2N en tant qu’organisation de développement. Le vivre-ensemble dans la commune de Dori, si je suppose que vous êtes en train d’évoquer le fait que la situation est relativement calme à Dori, est lié à une combinaison de facteurs d’ordre géographique (c’est la commune la plus au Sud de la région), socio-culturels et je dirai même coutumiers.
Quels sont vos défis actuels dans ce contexte de sécurité difficile ?
Nos défis actuels sont ceux que tous les Burkinabè épris de paix peuvent avoir. Dans le contexte actuel, nous avons des défis liés au raffermissement de la paix et au renforcement de la cohésion sociale. Nous travaillons pour cela sur plusieurs segments qui peuvent y contribuer. Cela passe aussi bien par la sensibilisation des populations sur l’importance de renforcer le vivre-ensemble à travers notamment nos actions récurrentes comme la conduite des caravanes de la paix. Je parle de récurrence car c’est une activité que nous conduisons chaque année depuis 2013 dans la province du Séno le plus souvent mais aussi dans le Soum et l’Oudalan. Nous travaillons également à appuyer la gestion du foncier rural, qui peut-être une source de tensions si elle n’est pas prise en charge de façon adéquate notamment conformément à la Loi 034 relative au foncier qui prévoit un dispositif qui nous semble efficace mais dont les contours sont difficiles à cerner dans certains contextes. Nous avons également depuis 2004, entamé avec plusieurs communautés de la région un processus de sécurisation des espaces de pâture et à appuyer l’aménagement de zones pastorales notamment dans la commune de Dori. Nous avons également des actions dans le renforcement de l’implication des populations dans la prise de décisions au niveau local. Notamment l’implication des populations locales dans l’amélioration de l’offre de service et la gestion des services publics comme les centres de santé et des écoles. C’est quelque chose d’essentiel dans le renforcement de la cohésion sociale car les populations se sentent concernés par l’action publique.
Quel message, avez-vous à adresser à la population de Dori et à celle des autres contrées du Burkina Faso.
Mon message à l’endroit des populations de la région du Sahel et des autres régions du Burkina est un message de paix et d’espoir. Nous sommes peut-être confrontés à notre plus grand défi existentiel et c’est une occasion pour notre peuple de montrer qu’il est capable d’y faire face. Quelque soit le prix à payer pour parvenir à cela, il ne faut pas reculer le Burkina Faso n’en sortira que grandi. Les peuples les plus forts de cette planète l’ont été qu’après avoir affronté des moments difficiles comme ceux auxquels notre pays est confronté actuellement. Dieu bénisse le Burkina Faso. Je vous remercie